Lesotho (troisième séjour): Le jour de de la St Valentin, je quitte Jobourg de nouveau. Décollage laborieux du côté de Soweto où je me perds avec Jean-Michel, un Français implanté depuis 4 ans en Afrique du Sud. Le centre-ville de Jobourg lui est interdit. Il y a peu, il s'est fait voler son portable sur le siège passager. La vitre ayant volé en éclat à l'arrêt à un feu rouge, il n'a pas su d'où venait le coup et n'y a vu que du bleu tellement l'infraction a été rapide. Je retombe sur mes pieds quand je prends l'autoroute M1 en sens inverse vers Bloemfontein. Je pique-nique avant d'accrocher un camion de l'équipement avec deux noirs dans la cabine puis un transit, véhicule collectif vide, jusqu'à Kronstadt. A la station-service, tandis que j'essuie deux refus successifs de la part de berlines immatriculées au Lesotho, Christopher vient spontanément me chercher et me dit qu'il peut m'emmener à Bloemfontein où il se rend avec sa femme pour chercher son fils à l'hôpital. Chef d'une petite entreprise fabriquant des dalles pour paver les allées destinées aux maisons individuelles des particuliers et aux entreprises, il emploie 70 ouvriers. Il s'est fait braquer chez lui par cinq types armés qui sont venus lui demander l'argent des salaires de son personnel qu'il venait de retirer de la banque. Comment l'ont-ils su ? Un indicateur dans la banque les a vraisemblablement informés. Ils me déposent à côté de la pizzeria près de laquelle je retrouve Ahmad, pakistanais d'origine, qui me dépose à 18h30 à la Shell à la sortie de la ville sur la route de Maseru. Tandis qu'un million d'Afrikaners ont émigré depuis le changement opéré en 1994 vers l'Australie ou la Nouvelle-Zélande, l'ANC le parti au pouvoir, a fait le choix d'ouvrir le pays et faciliter l'intégration des étrangers, leurs voisins africains parmi lesquels les Angolais, les Zimbabwéens et les Mozambicains mais aussi les Asiatiques tels les Chinois et les Pakistanais nombreux à ouvrir des boutiques dans les endroits reculés du pays. La filière pakistanaise pour la somme de 2000 dollars comprend un vol vers le Mozambique et une entrée illégale en Afrique du Sud avant de demander l'asile politique, généreusement accordé dans un délai d'une semaine. Le processus du début jusqu'à la fin prend une dizaine de jours pour certains. Ahmad, marié à une Afrikaner et séparé depuis, vit maintenant dans une chambre qu'il loue à la meilleure amie de son ex femme. Ahmad ne supportait pas entre autre qu'un homme vienne saluer son épouse et l'embrasser ou la toucher. Swann a été mariée à deux reprises à deux pasteurs décédés, le premier d'un cancer, le second d’un diabète. Il était familier avec le second avec lequel il échangeait souvent sur la religion, ce qu'il l'a conduit à rester dans les murs. Hospitalier, avec le souci des autres et toujours prêt à rendre service, il repart au Pakistan pour six semaines et veut faire venir sa mère à la suite de sa visite. Je le reverrai.
A la nuit tombante, Zacharie vient faire le plein et retourne sans passager à Ficksburg distant de 230 kilomètres. Il accepte de m'emmener jusqu'au croisement de Ladybrand (140 km) en direction de Maseru. Un gars, que je prends soigneusement soin d'éviter, vient le baratiner et lui proposer l'achat de pneus neufs à des prix défiant toute concurrence. Bien que je pressens l'entourloupe, Zacharie rentre dans le jeu et se fait embarquer dans un endroit où sont concentrés des garages. Nous sommes dans le quart d’heure précédent la nuit, le moment où nos repères visuels s'estompent, nous laissant dans la pénombre et l'inconnu quant à partir à la sauvette ou retrouver un itinéraire. Je sens l'haleine légèrement alcoolisée du mec assis derrière moi guidant Zacharie et lui ordonnant de se garer de telle manière à la barrière. Notre intermédiaire lui demande 20 Rands (2 Euros) de caution avant d'aller chercher les pneus et est même prêt à nous laisser ses chaussures en échange de la somme d'argent. Zacharie commence à y voir plus clair et exige qu'il ferme la portière avant de quitter les lieux et reprendre la route. Voilà comment la naïveté peut vous conduire dans de tels imbroglios sans compter que le type aurait pu avoir quelques copains planqués, armés et prêts à vous délester de votre véhicule. Le moment de la journée s'y prêtait bien. Mon sixième sens m'a mis en alerte mais je n'aurais pas pu faire grand chose dans ce cas de figure. Les brigands en auraient eu pour leur argent, deux gros poissons au lieu d'un dans le même filet. Après être passé près de Marseille, il me dépose en pleine nuit comme convenu à 11 kilomètres du poste frontière. Un combi collectif refuse de m'emmener et j'ai plus de chance avec Lifou, ancien plénipotentiaire du Lesotho aux Nations-Unies, qui à vécu à Paris et New York. Après la voiture du ministre lors de mon second voyage, cette portion de route avec ce diplomate d'une grande amabilité, avenant et serviable, me permet de voisiner avec l'élite et naviguer dans la haute sphère des corps diplomatiques. Il sert actuellement la radio d'état. Nous suivons le pick-up qui va reconduire les speakerines et dans lequel est présent un soldat pour des raisons évidentes de sécurité. Je m'étonne de ces précautions à Maseru. Lifou me laisse à la barrière de Cécilia. Chief, son copain chez qui j'avais passé la nuit, vient juste de la quitter et Refiloe, sa fille francophone, à qui j'apporte des livres de français, est partie chercher du travail à Bloemfontein. Il est plus de 21h00 et il commence à pleuvoir dès que je suis à l'abri. L'orage a menacé tout le long de la route. Des éclairs verts similaires à des aurores boréales ont illuminé le ciel pendant le voyage de Bloemfontein jusqu'à Maseru.
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