A l'Est, rien de nouveau ! B. Grieu en Roumanie et Bulgarie (à propos de l’élargissement de l’Europe).
Par Benoit Grieu, :: Autour de la mer Noire (Bulgarie, Roumanie, Moldavie, Géorgie, Turquie, Ukraine).
De l’Alsace à Budapest : Olivier me dépose sur une aire de service et j’embarque immédiatement dans un semi-remorque avec un chauffeur germanophone après avoir abordé un turcophone et un hispanophone dans leur langue d’origine. A l’aire de service du circuit d’hockenheim, je fais demi-tour en traversant le pont qui surplombe l’autoroute et repars en sens contraire direction Walldorf Kreuz(ung) puis l’autobahn A6 tout droit jusqu’à l’aire de service Hohenfranken tankstelle avec un jeune qui se dirige vers Allen.
Au moment ou je descends mon sac du coffre de la voiture garée en épi, une autre passe à côté et lorsqu’elle nous a dépassé, je peux reconnaître une plaque d’immatriculation hongroise. Le chauffeur avait sa vitre ouverte et je pouvais l’interpeller mais comment pouvais-je savoir qu’il était probablement magyar ? Il m’eût suffit, l’oeil aux aguets, de regarder la plaque avant qu’il ne nous dépasse. Un moment d’égarement, la concentration se relâche et tout fout le camp. J’ai loupé le coche! On peut toujours se consoler en se disant que seul au volant, il n’allait pas là-bas, en Hongrie où était immatriculé la voiture. Un autre chauffeur avec une plaque autrichienne ornée du W pour Wien (Vienne en autrichien) auquel je demande un passage me prétend qu’il n'y va pas. Je prétends qu’il ment mais ne lui montre rien de mes certitudes. Je ne suis pas là pour polémiquer mais un vendredi, les gens rentrent à la maison surtout s’ils sont dans la bonne direction pour aller vers l’Est.
Les Autrichiens sont rarement sympas lorsque l’on s’adresse à eux, limite xénophobes. Il suffit d’en parler aux routiers des pays de l’Est qui contournent tous l’Autriche à cause des taxes routières et de la sévérité de ses représentants de la loi" chargés de la faire appliquer. Les Turcs, les Roumains, les Serbes transitent par Prague et Brno (République Tchèque) puis Bratislava (Slovaquie) avant de rejoindre Budapest.
Qu’est-ce qui fait que de petits évènements insignifiants surviennent – on laisse passer une chance, cette voiture qui se rendait directement à Budapest – sans changer le cours de notre vie ? Je n’ai pas pu la saisir – la chance, l’opportunité – elle m’a filée entre les doigts…
Qu’a cela ne tienne, il y aura bien un autre signe du destin car sur la petite échelle d’une journée de 24h00, il s’agit bien de destinée dont je parle. Il suffit d’agrandir l’image et c’est à l’échelle d’une vie que nous travaillons. Vol direct ou avec escale ? Atteindre son but par « la voie détournée », c’est ce que bon nombre d’entre nous font – même s’ils en sont conscients ou le réalisent – alors qu’il existe une « voie directe » plus simple. Pourquoi nous échappe-t-elle ?
L’occasion qui suit immatriculée en république Tchèque. Est-ce « je » qui décide ou bien les évènements qui le font à ma place ? Il aurait été plus court de passer par l’Autriche mais voilà que je retombe dans mes petits travers et vais transiter par Prague.
Est-ce que je ne suis pas en train de surfer sur une vague comme celle de cette flopée de camions qui me transportent, tel le courant principal d’énergie qui nous entraîne et ne nous laisse que peu de pouvoir de décisions. Je peux me dire que, encore une fois, j’ai quelque chose à faire à Prague.