Par Benoit Grieu,
:: Australie
On se souvient qu’il avait quitte le pays de Caux a V.T.T fin juin 2002 pour traverser la Sibérie et rejoindre VLADIVOSTOCK. Apres 3 mois de péripéties pour traverser la Russie, il avait continue en bateau vers la COREE DU SUD et le JAPON d’ou il nous avait fait parvenir des échos (cf. CC du 31/05/2003).
Apres un séjour de 4 mois dans ces 2 pays, on le retrouve a BALI ou une bombe vient d’éclater (202 victimes) le 12 octobre 2002. Il se rend en Nouvelle-Zélande mais est débarqué de l’avion car le nom sur le billet ne correspond pas au sien mais à celui d’un ami à qui il l’a rachete. Les pieds de nouveau sur terre, il part dans les petites îles de la Sonde visiter 8 orphelinats et 2 familles d’accueil où il repartit ce qu’il a emporté avec lui depuis Séoul. Des îles à majorité catholique où il a l’occasion d’assister à un baptême collectif et de goûter au chien comme plat de résistance. Il fait un petit saut en Australie (3 mois) ou il parcourt 1200 km a travers le bush avant d’envisager le retour vers L’Europe via l’île de Bornéo et la Birmanie. Il traverse ainsi à pied et à la boussole d’Ouest en Est toute l’île (75 jours) et finit par une crise de béribéri (carence en vitamine B). Il reste pendant une période de 6 semaines complètement isolé en jungle sans même rencontrer âme qui vive si ce n’est toutes sortes d’animaux endémiques. Comme si une fois ne suffisait pas, il entreprend une seconde traversée d’Ouest en Est. Le parcours plus difficile est accidenté avec des dénivelés importants au vu des conditions climatiques. Il s’oriente et jongle avec les 3 points cardinaux au lieu d’un seul la première fois ! A plusieurs reprises, il se retrouve seul en forêt mais jamais isolé plus d’une semaine. Fort de son expérience, il complète sa seconde traversée et n’outrepasse pas son temps de séjour autorisé de 2 mois.
En janvier 2004, la saison des pluies ayant fait monté le niveau des cours d’eau de 4 mètres, il quitte à regret l’île pour le continent malais et la Thaïlande ou il retrouve Rafaël, ex-ado qu’il avait guidé en 1998 lors d’un camp en Malaisie. Il prépare leur voyage en Birmanie qu’ils vont parcourir en stop tous les deux en mars. Nous suivons le récit des ses voyages.
Par Benoit Grieu,
:: Australie
Du tarmac à la piste des Aborigènes : 99 km en 48h00: Pas moins de huit agents d’immigration et douaniers viennent me questionner a mon arrivée a Perth (Australie-Occidentale). La coopération internationale doit être efficace depuis l’attentat de Bali et dans cette période d’hostilité ou l’Australie soutient les Etats-Unis, les peurs de récidive sur le territoire sont a craindre. J’ai acheté mon billet d’avion la veille en liquide et je débarque avec juste un sac plastique de supermarché pour tout bagage ! Il contient l’essentiel pour moi, peigne, brosse a dent, lunettes…, mais cela pose visiblement un problème aux autorités. En fait, j’ai laisse a Bali mon sac à dos dans un ashram. Cela me permettra d’emporter au retour 60 à 80 kg de vêtements pour les distribuer dans les orphelinats. Apres un interrogatoire soutenu – la raison de ma visite -et une fouille minutieuse de mes effets personnels, ils m’autorisent a séjourner 3 mois. A 12 km de l’aéroport, le Bibbulmun Track m’attend. Ce chemin des Bibbulmuns tire son nom d’un groupe aborigène qui habitaient la pointe sud-ouest du continent il y plusieurs siècles. Il s’étend depuis les collines de Kalamunda jusqu'à Albany (963 km) et est considéré comme le troisième plus long sentier balisé (G.R) au monde derrière celui des Appalaches (3450 km) et des Rocheuses (1200 km). En fait, le quatrième car le chemin de Compostelle (1600 km) se classe au second rang si on le retient en tant que chemin de Grande Randonnée. Le Bibbulmun est marqué par des triangles métalliques de couleur jaune où le Waugal, serpent arc-en-ciel symbolique de la mythologie aborigène, est représenté. Avec mon petit sac dans lequel je n’ai que 2 petits pains ronds, restes du plateau-repas pendant le vol, je vais parcourir 99 km en 48h00. L’importation de tout produit d’origine végétale ou animale étant interdite, j’ai avalé les 2 barquettes de beurre que j’avais sauvegardées sous le nez des douaniers méduses. Foi de normand ! Assez cocasse quand on sait que le beurre est fabriqué en Nouvelle-zélande et que les deux pays pratiquent le libre échange. Une seule voiture me permet de passer de la piste d’aéroport à celle sablonneuse où poussent de grands arbres (jarrah). Je démarre au régime pain sec et eau et atteins une ferme isolée où sont parqués des dromadaires ! J’en suis fort surpris bien que le climat sec et chaud leur convienne. Pas un chat autour et je visite impressionné par les bêtes qui blatèrent dérangées par mon intrusion. Je continue jusqu’à une crique asséchée où je compte passer la nuit (24 km aujourd’hui). 48 abris couverts jalonnent la piste tout le long de son tracé. A chaque étape, un réservoir d’eau potable qui provient de l’eau de pluie recueillie et des toilettes écologiques autonettoyantes sans odeur (système de décomposition des matières fécales) sont à disposition des randonneurs. Un G.R de luxe dans cette partie du monde où le mode de vie ne contribue pas beaucoup à favoriser la marche à pied. Au réveil, un peu d’eau dans le moteur, je descends dans la vallée d’Helena qui sert de réservoir naturel avant d’atteindre un point de vue sur les Stirling et accrocher le mont Dale. Je dépasse un couple néo-zélandais très tôt le matin et rencontre David à mon arrivée au refuge de Brookton. Je lui explique l’histoire de mes deux petits pains depuis longtemps digérés Lui quitte pour Perth demain matin et il partage deux conserves avec moi. Ma consommation d’énergie a été importante (42 km) mais avec la soupe de légumes et la salade de fruit vite assimilées, j’envisage quitter demain la piste au niveau de l’autoroute 21 (33 km). J’ai l’intention de me rendre à Fremantle pour la fin de semaine et faire le plein avant de repartir sur le chemin lundi.
Après un week-end de détente, je reprends le Bibbulmun deux refuges plus loin car un feu de forêt les à détruit et la portion administrée par les parcs nationaux est interdite au public. Je suis chargé mais pas inutilement car on mange uniquement ce que l’on emporte. On traverse quelques bourgades mais le ravitaillement est limité et les produits chers. Lors des préparatifs, il est préférable de s’y faire déposer ou envoyer des colis alimentaires en des points précis : bureau de poste, syndicat d’initiative, auberge ou pub. J’ai fait l’expérience avec le minimum et je continue avec des réserves conséquentes. Une gamelle me sert pour cuisiner sur le feu car il est autorisé sur les 2/3 du parcours (jusqu’à Dog pool). A chaque halte, une aire de BBQ est délimitée et le bois est fourni en quantité suffisante par les services de l’environnement Au fur et a mesure que j’avance, je m’installe sur le chemin. Je ne le sais pas encore mais je vais y rester 3 mois à le parcourir du nord au sud et totaliser 1200 km avec les marches d ‘d’exploration et de découverte. Rien ne doit être laissé derrière soi lors de son passage par souci écologique mais il m’arrive au cours de mon périple de récupérer une bouilloire et 2 casseroles que j’étrenne à tour de rôle. C’est l’automne dans l’hémisphère sud et je commence a ramasser les champignons pour enrichir mes potages de légumes car il ne fait pas bien chaud. Sur le premier 1/3 du parcours, 11 à 14 km séparent les refuges à cause de la proximité de Perth (1 200 000 h) mais la moyenne est 20/25 km vers le sud. Si il ne m’a pas été difficile d’en laisser trois de côté au début, je passe chargé de l’un à l’autre maintenant. Au fur et à mesure que diminuent mes provisions, j’en saute un. Je parcours à pied presque 250 km en 8 jours ; ajoutés au 99 km et la portion non autorisée, cela me conduit à mi-parcours à Balinup (464 km), charmante petite localité pour laquelle j’ai le coup de foudre. Pour changer de rythme, je me mets même à ramasser des pommes comme en Normandie ! Je m’inscris aussi à la bibliothèque et ai la chance de rencontrer Christine, Australienne d’origine britannique qui a vécu à Paris plusieurs années. Elue députée à Perth, elle me permet l’accès à Internet dans l’office de son parti. Je m’informe sur l’état de guerre en Irak et par la même occasion, elle a un son de cloche différent.
Les médias australiens manquent d’indépendance et les analyses critiques vis à vis des décisions politiques font défaut. Les Australiens pensent qu’ils sont trop éloignés de tout et que rien ne peut leur arriver ; leur pays est un paradis où il fait bon vivre. La vie y est facile, alors à quoi bon se soucier du reste du monde ! Avec leur entrée en guerre – 2000 hommes des services spéciaux - aux côtés des Etats-Unis, ils sont pourtant impliqués. Je n’hésite pas à les questionner quand je fais du stop. Certains n’apprécient pas ma position et me rétorquent : «cela devait arriver !» ou bien « le tyran le mérite». Une bonne moitié se demande pourquoi Howard a été se fourvoyer dans cette guerre. Une caution en contrepartie d’un futur marché de libre échange auxquels sont opposés la majorité des exploitations.
Plein sud jusqu’à l’océan (740 km): Arrivé à Donnelly tard en soirée, je passe la nuit sous le préau de l’école. En cours de nuit, je sors pour mes besoins et une fusée manque de me renverser. Je suis attaqué de toute part et reste figé sur place. Je n’ai pas le temps de réagir ou d’opérer un retrait. J’ai eu très peur mais ce ne sont que des kangourous curieux que j’ai effrayé par ma sortie nocturne. C’est la débandade et ils sont partis dans tous les sens. Je surprends deux randonneurs en arrivant une nouvelle fois à la nuit tombée au campement de Tom road. Ils ne peuvent comprendre comment j’arrive à marcher de nuit sans torche et réussir à visualiser les Waugal. Glenn est dans l’attente de sa copine qui l’a déposé avec les sacs avant de retourner garer la voiture à Donnelly. Il pensait que c’était elle qui arrivait. Inquiet, il finit par alerter la police qui lance une recherche et retrouve Mary au campement plus au nord de Donnelly. Désorientée, elle est partie sur la piste vers le nord alors qu’elle devait prendre la direction sud. Je m’étonne d’une telle confusion et pense que ce n’est pas possible que cela m’arrive. Pour le réveil, Albert, jeune retraité, la soixantaine alerte malgré un genou qui crie douleur, fait sonner l’alarme. cela me fait braire car difficile de se lever sans éveiller les autres. Il parcourt le Bibbulmun pour collecter des fonds en faveur de la lutte contre le cancer du sein. Comme s’il partait au travail, il se rase. Très ponctuel, il est prêt à décoller à 6h30 mais il fait encore nuit ! Il attends un peu de clarté avant de quitter. Etre dans la nature et garder ses repères quotidiens me paraît aberrant. Il faut savoir s’oublier parfois et se détacher de ses habitudes. Je franchis un pont fait d’un seul tronc de Carry (90 m, la seconde espèce la plus haute au monde après le séquoia d’Amérique, 110 m). Brandon s’y est accoudé pour avaler son sandwich et déjeuner. Après la pause, il est reparti… dans la direction d’où il venait ! Le soir, il est revenu au camp qu’il avait quitté le matin même. A Warren, la pleine lune éclaire ces géants millénaires. Je passe la nuit pelotonné et le corps enroulé autour de l’âtre pour garder la chaleur. De Pemberton, je suis venu déposer hier deux sacs poubelle (20 et 14 kg) de réserves de nourriture et mon couchage. Je n’ai rien retrouvé et dois faire demi-tour. Après 3 jours de recherche et une plainte déposée à la police, j’obtiens une explication. Un officier du CALM (bureau en charge de l’environnement) a enlevé et jeté les sacs. Il les a ouverts pour pouvoir trier et recycler. Il n’a pas du faire preuve de beaucoup de jugeote car les pots de beurre d’arachides, confiture, duvet et popotes ont été balancés stupidement. Il aurait pu deviner que cela appartenait à un randonneur. Son supérieur me propose de le dénoncer afin d’obtenir un dédommagement, compensation financière qui ne couvrira pas le montant des achats évalués à quelques centaines de dollars australiens (1 AS = 4 fr.). Je n’en fait rien. Je préfère récupérer mes effets dans les containers de l’office et repartir dès que possible sur le chemin. Je retire les fruits et légumes, notamment les bottes de salade, radis et épinards tout contrits, ridés et fanés d’avoir été enfermés et oubliés dans leurs cercueils roulants. Avec cette malencontreuse expérience, je prends le temps de vivre. Je m’installe et écoule mes denrées au fur et à mesure. Je reste jusqu’à quatre nuits sur le même emplacement à plusieurs reprises. Je patrouille les alentours de la rivière Gardner et des deux lacs Shafer et Maringup pendant une quinzaine de jours. Ras-le-bol ou beauté des sites auxquels il est difficile de résister ? Nécessiter de casser le rythme et faire une pause dans des lieux qui favorise le repos du corps et de l’âme.
Ma rencontre avec Gary Muir: recordman de l’épreuve en 17 jours ½. Je viens de quitter Walpole en direction de Coalmine après avoir rencontré et échangé avec des Allemandes qui transitaient en minibus.Il fait nuit et le chemin balisé n’est pas facile à deviner. Les plantes grimpantes accrochées aux arbres forment une haie et me montre la voie à suivre. A un coude, je me trouve à l’intersection. A ma gauche, à angle droit, le Bibbulmun s’enfonce sous la galerie en pleine obscurité. A ma droite, une maison en bois sur pilotis toute illuminée au milieu d’une parcelle en coin. J’hésite à m’enfoncer dans le tunnel tandis que je trouve la bâtisse fantastique. Celle-ci exerce sur moi un pouvoir d’attraction auquel je n’arrive pas à m’arracher. J’en suis conscient mais ne m’explique pas pourquoi. Une idée m’effleure ; sonner et demander mon chemin au locataire. Je ne passe pas à l’acte et continue à tâtons mon chemin. Je débouche du tunnel et me retrouve face au clapotis des vagues sur la plage que je contourne. Une pelouse fraîchement tondue, une chaîne empêchant le passage des cycles, je ne remarque plus les Waugal et contraint touche l’asphalte où deux maisons particulières assurent l’accueil chez l’habitant. Je n’ai guère le choix de frapper à la porte et me renseigner. Ce sont des amis de Gary qui l’appelle. Il vient juste de quitter il y a à peine 5 minutes. Quel coïncidence ! Je veux justement le rencontrer. Si je ne m’étais pas attardé avec mes interlocutrices, je voulais me renseigner où il habitait et le visiter. Il est présent à mon esprit depuis que les gens m’en ont parlé. Il est la vedette du coin depuis qu’il a couru les 963 km en 17 jours ½. J’hésitais à le rencontrer mais le hasard me pousse vraiment vers lui. Un petit homme 1,55 m descend d’un 4x4 sur dimensionné. Râblé, le bol rasé, une puce dans un conteneur sur roues. J’embarque et vu l’heure avancée, il m’invite à dormir chez lui. Il a couru pour récupérer des fonds afin de soutenir un projet de protection d’une réserve naturelle qui venait d’être dévorée par les feux de forêt. Région dans laquelle sa famille est installée depuis des générations et qu’il fait maintenant découvrir à des groupes.
Je retrouve l’appétit et dévore la portion de côte longeant l’océan à un rythme plus humain. Les abris sont proches les uns des autres et l’interdiction d’allumer un feu pèse sur ma façon de me nourrir. Essentiellement froid car je ne dispose pas de réchaud. Je touche l’océan d’un point de vue spectaculaire qui domine la plage de Mandalay où à marée basse on aperçoit l’épave d’un vieux gréement britannique. Celles de Mazzoletti, Dingo et Shelley sont inoubliables. Quel luxe de parcourir à pied des lieux si isolés et désertés de toute trace de vie humaine. L’Australie (14 fois la France et seulement 18 millions d’habitants) est à elle seule un continent qui mérite plus le détour sur le plan géographique qu’humain. Merveilles de la nature qu’il n’est pas possible de contempler sur aucune autre partie du globe.