Le dimanche 25 décembre, je quitte Saint Georges en pirogue à moteur et traverse le fleuve qui me sépare du Brésil. Je dors à bord du Tornédo. Trois jours nous suffisent pour atteindre le port brésilien situé à l’embouchure de l’Amazone. Nous abordons au cours de la traversée un poissonnier et chargeons son contenu qui sera revendu à l’intérieur des terres. J’ai vraiment du mal à le croire. Ce ne sont que des squelettes rongés par les vers. Aucun moyen de conservation, sinon le sel. Le tout jeté en vrac dégage une odeur insuportable. Que cela puisse être revendu sur les marchés m’ahurit.
Je passe le nouvel an en assistant aux offrandes que le peuple brésilien fait à la déesse de la mer Iémanja. Une petit tombe creusée à ciel ouvert sur la plage sert d’autel. Y sont entreposés de la nourriture, des fleurs parfois aussi jetées à lamer et des vœux écrits sur papier. J’en profiterai aussi pour aller ramer du côté de deux îles et distribuer une partie des soixante kilos de linge apporté de France que m’a confié le Secours Catholique, section fauvillaise. Les personnes à qui j’en avais distribué l’année passée en février 1994 l’ont usé et donné à d’autres. Ils ont collecté eux-mêmes ce que le Secours Catholique avait donné pour le redistribuer. Cela me confirme que mon action est doublement utile et nécessaire. Ce sera avec la nouvelle année le début d’un périple à pied deprès de 1000 km qui me conduira jusqu’à Salvador (de Bahia). Uniquement en marchant sur les plages et me nourrissant d’un mélange de coco tendre, farofa (farine de manioc) et miel. Je bois l’eau des cocos et, à l’occasion, mange abondamment du poisson frais que me donnent les pêcheurs. Grâce à une très bonne lotion solaire, ma peau brunit sans être brûlée. Je vais bientôt être plus typé que les Brésiliens et avoue n’avoir jamais été aussi coloré de mon existence. Les pêcheurs ne croient pas que j’ai quitté Belem à pied où ils ne se sont jamais rendus et que je suis seulement depuis 3 semaines au Brésil et non depuis des années…

Le phénomène Jagger. Ainsi, je passe une nuit à Arembepe, le village hippie où séjournèrent Janis Joplin et Mike Jagger dans les seventies (années 70). Concernant Mike Jagger, j’ignore si l’impact de la tournée des Stones à Buenos Aires y est pour quelque chose. Tous les deux jours en moyenne, les Argentins me parlent de ma ressemblance avec Jagger, surtout à cause des fossettes, du front et des cheveux. Ça commence à devenir gênant mais au moins avec le succès rencontré, je sais quoi faire pour le rencontrer. Le 18 février, une semaine avant le carnaval, période de folie qui secoue le Brésil, je passe la frontière argentine. Des plages du nord-est brésilien m’est venue l’idée de marcher en montagne. Je relie Salvador de Bahia à San Carlos de Bariloche (environ 6000 km) en une semaine, via Monte Casseros (état de Corrientes) où j’assiste à un défilé à la mode carioca : des parures de plumes somptueuses et des Argentines non moins sensuelles, élégantes et à la plastique de rêve. A la différence de Rio de Janeiro, je ne regarde pas défiler les filles à partir du Sambadrome et ne preste pas frustré. A la fin du défilé, il est possible de leur parler, voire même de les aborder sans tomber sur le risque que ce soit un transsexuel comme au Brésil.

Une ferme d’un autre temps. Dans l’état de Missiones, près des chutes innombrables (240 au total) de Foz Da Iguazu, Roberto m’emmène dans un vieux tacot vers l’Eldorado où il vit. Quittant le paysage forestier valloné qui nous entoure et que choisirent les Jésuites pour s’implanter sur les rives du fleuve Parana, il bifurque vers un chemin boueux au bout duquel se trouve la propriété familiale. Il fait déjà nuit et m’invite à passer la nuit. La maison d’habitation est éclairée à la bougie. Des amoncellements de bouteilles consignées dépassent le toit des bâtiments dans lesquels grognent des porcs. Dans la salle principale trône une très longue table de bois. Hector, maître des lieux, y est assis en bout. Autour de lui s’affairent six servantes. Les bougies projettent leurs silhouettes sur les murs noircis par l’humidité ambiante. La pellicule (film) dont je suis l’acteur date du féodalisme. La pièce est immense malgré les entassements de produits alimentaires périssables qui l’occupent. La famille fait de la récupération et achète en gros les produits aux supermarchés peu avant la date de préemption (farine, riz, pâtisseries, confiture…). En quelques jours, les deux frères revendent à bon prix un maximum pour retirer un bénéfice sur la vente. Le reste est jeté aux porcs. Des quantités importantes de produits frais restent parfois stockées (yogourts, beurre, œufs…) dans la maison et dégagent une odeur nauséabonde. Tout m’est naturellement proposé sans aucune limite de date. Je me refais malgré tout une santé et le sac qui contenait 30 kg de linge se remplit de pain, biscuits, yaourts, fruits et « dulce de leche » (crème de lait de vache, spécialité argentine).

Les vieilles poubelles ambulantes: D’un prix exorbitant – plus de 10 000 fr. = 1500 Euros – les voitures sont souvent des modèles français. Ils seraient vendus pour pièces détachées dans leur pays d’origine. Des R 12 ou 3 CV Citroën parcourent ainsi la Patagonie argentine sans capot, sans portière ou sans aile. A titre indicatif, pour un salaire mensuel minimum de 2000 fr. = 300 Euros, en Argentine une 605 SRI Peugeot vaut 180 000 fr. = 25 000 Euros, une 405 SRI 152 500 fr., une 405 GLD 131 500 fr. et une 504 XSD fabriquée en Argentine 81 500 fr. Pas étonnant que même vieilles, à ce prix-là, elles prennent de la valeur même si le modèle n’est plus récent… Les 404 sont courantes et la Twingo (75 000 fr.) fait son apparition tandis que la Safrane (300 000 fr. = 45 000 Euros) est plutôt rare.

S.M.I.C à 600 fr. = 90 Euros mensuel au Chili. J’ai plusieurs fois pu comparer le Chili à la Pologne : Dix sept ans de dictature Pinochet ont laissé des habitudes de vie et des mentalités similaires aux pays communistes. Les gens vivent très simplement et ont l’esprit très conservateur. En onze ans, les dictateurs argentins n’ont pas eu autant d’impact. Les cheveux longs et catogans pullulent dans tout le pays, c’est la mode. Même certains acteurs de séries TV en sont dotés !...
Au Chili, 3 000 km de goudron impeccable du nord au sud et un parc automobile de véhicules neufs ne devrait pourtant pas faire oublier la pauvreté trop visible à mes yeux sur le bord des routes. Des baraquements défilent dans lesquels s’entassent des familles chiliennes aux conditions d’existence précaires. En cinq ans, depuis le départ du général Pinochet, le salaire minimum aplus que triplé : 17 000 à 52 000 pesos chiliens, soit actuellement environ 6 000FF.

Si l’histoire était à réécrire. Un retour au pouvoir d’un front marxiste style Allende et Robertot, que j’ai rencontré, devient « guerrillero » ou quitte le pays. Certains affirment que la dictature a eu au moins le mérite d’organiser l’économie d’où l’état de bien-être du pays aujourd’hui ave un taux de croissance de 7% annuel. D’autres affirment que le peuple chilien est par essence socialiste et que le prochain président le sera. Ainsi, un grossiste en pommes et patates conserve un exemplaire d’un journal du 12 septembre 1973 portant le nom évocateur de Cuba… La présidence Patricio Alwyn, que beaucoup considèrent comme un traître à la cause du peuple et du camarade Allende en septembre 1973, était une transition nécessaire Il était le lien entre un gouvernement de coalition et le général Pinochet dont le peuple venait de demander le départ anticipé. Par plébiscite, les électeurs avaient refué qu’il reste au pouvoir huit mois supplémentaires tout en le laissant en tant que militaire, chef suprême des armées.

Pendant trois semaines, j’ai parcouru les régions reculées au sud du Chili où il est seulement possible de se déplacer à cheval ou à pied. Les sentiers sont étroits, abruptes, pierreux et boueux et relient plusieurs vallées où vivent en autosuffisance des familles. Sans animaux, on n’y peut pas vivre. La vache y donne le lait, le beurre et le fromage : la brebis la laine, la viande et la peau dont se garnissent les « gauchos » (gardiens de troupeau) et le porc la viande. Les bœufs tirent la charrette aux roues de bois pleines et servent aux travaux ruraux comme le labour. L’hiver y est particulièrement dur et long dans ces zones de montagne (1500 m d’altitude) et certaines fermettes se trouvent complètement coupées l’une de l’autre. A l’écoute d’une radio communautaire qui diffuse les messages des familiers domiciliés en ville (Puerto-Mott), les locaux comptent les jours. Une initiative des forces aériennes chiliennes (F.A.R) a permis à un millier de scolaires de ces régions défavorisées de prendre l’avion et de découvrir la capitale Santiago.


30 heures perdu en montagne. C’est après avoir partagé avec une famille une truite saumonée pêchée dans le lac Espalion que je prends le chemin du col qui me sépare de l’autre vallée. Je dépasse une cabane inhabitée puis une seconde et continue à grimper. La montagne semble s’évaser et le fleuve tumultueux que je traverse nu pied à plusieurs reprises me sert de repère. Parti depuis 10h30 le matin, j’arrive à la nuit tombante à ce que je croyais être un passage, une faille dans la roche. Ce n’est en fait qu’une chute d’eau de dix mètres de hauteur. Déception, il n’y a pas de passage de ce côté. Je cherche alors en remontant en amont du torrent et rencontre sa source : un glacier à 2000 m. La nuit est complète. Impossible de faire demi-tour. Je passe la nuit au pied du bloc de glace avec mon duvet. Je prie pour qu’il ne pleuve pas et il se met à… crachiner. Rapidement mouillé jusqu’aux os, je dois attendre l’aube. Je grignote des céréales, du pain et des prunes. Au petit jour, j’avale une pastille de vitamine C et demi-tour, les pieds dans l’eau jusqu’à la cabane que j’atteins transi. C’est alors que je remarque, sautant un barbelé, une trace sur la chaussée droite. Je la suis et elle me conduit dans une vallée parallèle mais inférieure à celle où j’étais ! J’ai suivi le fleuve Colorado au lieu de l’Espalion. Il fallait vraiment le savoir pour ne pas se tromper. En effet, après une heure et demie de marche, je parviens chez Don Manuel Espinosa, 84 ans, rencontré dans le bateau qui traversait le lac Espalion. Il habite la dernière maison avant de passer le col que je passerais non sans mal mais sans me perdre ! Cette nouvelle vallée m’accueille dans une maison inhabitée dont je serai le propriétaire d’une nuit. J’allume le poêle à bois et cuisine des pâtes. Magnifique vallée encaissée au bout de laquelle se trouvent des termes (eau jaillissant à 56° C) près du Pacifique. Elles m’ont fait rêver après toutes ces traversées de torrent où j’avais les pieds gelés…


Les rats du Pérou. A paucartambo, un paysan quechua éméché m’offre à dormir sur une peau de mouton au milieu de ses cochons d’Inde, poules et poussins. Le cobaye est un plat très prisé au Pérou comme la dinde à Noël. On l’élève comme les lapins chez nous. Autant le cochon d’Inde est courant dans les maisons péruviennes, autant le lapin très rare ne s’y mange pas.
J’avale un mélange de farines grillées d’orge, de blé et d’haricots, accompagné par un air de flûte andine. Je quitte le village pour atteindre le fleuve Madre de Dios. J’obtiens une place dans une barque en aidant à décharger le camion Volvo avec lequel je suis arrivé. J’écoperai en naviguant pendant les quinze heures qui nous séparent de Colorado, un village artificiellement implanté depuis douze ans et qui doit son existence aux chercheurs d’or. Nous sommes en pleine jungle et à part une centaine d’orpailleurs et plusieurs postes militaires, personne ne résiste à cet enfer de chaleur et d’humidité. Colorado a son aéroport mais c’est l’eau courante du fleuve qui est utilisée pour les tâches domestiques quotidiennes (vaisselle, linge…).

Les sanitaires sont en pleine nature. Les baraquements en bois sont nombreux. L’insalubrité et la promiscuité font bon ménage. Le maire m’a offert de rester dans une chambre de passage. Les filles aussi le sont. Au-delà d’une mince cloison de planches, j’entends un couple faire l’amour. A l’aube, des rats me courent sur les jambes. Ils ont grignoté mon pain et des bananes. Vivement que je quitte cet endroit sordide ! Une occasion se présente pour continuer sur le fleuve. J’embarque avec deux Américains étudiant la biosphère, un curé et deux prostituées. Celles-ci sont payées par l’état et surveillées médicalement pour se rendre dans les casernes isolées en jungle.


Un climat de violence au Brésil. Dans l’état du Ceara, le frère de Flavia (18 ans) a été tué dans la rue. Suite à cela, sa famille a préféré déménager dans un village un peu plus loin. L’époux de Lucia (37 ans) a lui aussi été abattu à la suite d’un règlement de comptes. J’ai eu l’occasion de rencontrer des gens armés méfiants sur une plage isolée dans le Nordeste brésilien. Il est très difficile de se faire prendre en stop par les camionneurs brésiliens. C’est pourtant la seule solution. Les camions sont parfois les seuls véhicules à sillonner le Brésil, quinze fois plus grand que la France. Les chauffeurs risquent leur vie au volant à cause des vols. Queiroz n’oublie pas que son frère a été abattu par quatre policiers qui voulaient lui dérober son camion. Trois d’entre eux ont déjà été abattu depuis le vol. Queiroz gagnait 1000 fr (= 150 Euros) en tant que professeur de mathématiques et maintenant 3000 fr (= 450 Euros) comme chauffeur routier. Je laisse mes sacs sous la responsabilité d’un pompiste à la station-service où je suis descendu vers 21h00. Il m’indique une maison inoccupée à côté d’un café restaurant où je peux passer la nuit. Une voiture arrive, mal conduite par un homme visiblement ivre. Il s’arrête, en descend et s’assoit sur la terrasse. Il maugrée et a des mots avec une personne. Peu rassuré, je m’éloigne, lui tournant le dos. Trente mètres plus loin, j’entends des pétarades et pense à des feux d’artifices. Des familles sortent de chez elles en criant. Je les trouve bruyantes pour l’heure avancée de la nuit. Je crois comprendre : « on l’a tué ! ». Une femme m’explique qu’elle a entendu siffler une balle perdue au-dessus de sa tête et qu’elle l’a baissée ! C’étaient donc des coups de feu. Les gens habitués ne s’y étaient pas trompés. Demi-tour jusqu’à la camionnette très entourée où l’homme inerte baigne ensanglanté sur le plateau arrière.
Après enquête, ce serait la police elle-même qui l’aurait tué. Il y a beaucoup d’impunité pour les crimes et vols en Amérique latine. Devant les répétitions d’actes délictueux et la violence latente, les Brésiliens, qui sont naturellement d’un contact facile, finissent par avoir peur et par ignorer l’autre. C’est regrettable.


Le nectar mythique de l’Amazonie. J’avais beaucoup entendu parler de ce dernier dans toutes les régions amazoniennes. C’est une décoction de douze plantes et racines à laquelle les chamans ont parfois recours pour soigner leurs patients. Connu sous le nom de yagué en Equateur et ayahuesca au Brésil, on l’appelle purge du chien » à Iquitos au Pérou. Au cours d’une assemblée, une personne animée de mauvais desseins ne supportera pas ce breuvage. Celui-ci, dit-on, révèlera le côté maléfique du sujet. Les mauvais penchants (alcoolisme, drogue…) chez un sujet pourtant sevré depuis longtemps, seront réactivés et s’opposeront au bien – être spirituel matérialisé par l’âme. Basé sur un rituel avec des chants chrétiens qui aident à guider l’âme, mon examen de conscience a, pour sa part, été aisé car je n’avais pas d’antécédents défavorables. L’église du St-Breuvage m’a même accordé sa confiance pour participer à la cueillette et à l’élaboration de ce nectar insipide lors de mon prochain voyage au Brésil.


Les aventuriers du désespoir. Je finis par atteindre la frontière entre le Brésil et la Guyane. Nous avons quitté le ponton depuis trois heures quand à l’embouchure de l’Oyapoque, une barque surchargée d’une dizaine de passagers nous aborde. Il fait déjà nuit et ils veulent dormir à bord avant de reprendre la mer dans leur esquif. On croirait des naufragés et ils ont vraiment l’air de balseros cubains ou boat people vietnamiens.
Parmi eux, deux Ivoiriens m’expliquent qu’ils veulent atteindre la Guyane française. Ils sont donc, devenus aventuriers par nécessité et sont vraiment prêts à risquer leur vie pour de meilleurs conditions de vie, avec un travail rémunérateur. Les autres occupants sont brésiliens dont une femme… J’ai su qu’une barque avait chaviré il y a peu et que trois clandestins s’étaient noyés alors qu’une autre embarcation s’est perdue dans les marécages de Kaw.
La rupture d’un panneau auquel était accrochée la corde qui tractait l’embarcation de fortune va précipiter leur départ. La coquille de noix (2200 fr. = 330 Euros à l’achat) dans laquelle ils ont jeté leurs dernières économies et espoirs les emmène au large. Je regarde s’éloigner ces onze corps minuscules entourés d’un océan. Ils tentent de gagner la côte d’où ils caboteront pendant quatre journées jusqu’à Cayenne. Je ne peux m’empêcher de penser : « Ils sont soit courageux, soit inconscients ».


Une nuit piquante en forêt. En Guyane, j’effectue douze heures de marche continue en jungle. Contraint de trouver un endroit pour la nuit, je déchausse mes pieds endoloris trop à l’étroit dans mes bottes. La saison chaude et peu pluvieuse a asséché les éventuels puits où j’aurais pu me doucher. Assis sur le sol, le torse me démange. Je pense que c’est à cause des herbes coupantes que j’ai frôlées pendant la marche. Voilà que ça me démange aussi aux pieds. J’étais pourtant chaussé. Je m’allonge complètement et une fine poussière me tombe sur le visage. Celle-ci, urticante, est semblable au pollen et est la cause réelle de mes démangeaisons. Pieds nus, je cherche à m’éloigner et avance en tâtonnant. Comble de malchance, je mets la main sur un nid d’abeilles sauvages. Elles volent vers moi. Plusieurs d’entre elles me piquent derrière le genou, tandis que quatre se régalent avec mon torse. Je manque de perdre connaissance après cette journée d’efforts soutenus. J’expire et j’inspire bien fort et cela m’aide à tenir le coup et à supporter la douleur diffuse pendant une demi-heure. L’endroit où elles ont piqué restera sensible plus d’un mois encore après l’incident.
Abattu, je m’allonge sur un énorme tronc d’arbre qui gît sur le sol. Je ne ferme pas l’œil de la nuit. Le souffle court d’une bête énorme – entre cinq et dix mètres de distance – éveille mon attention. Sans bien le distinguer à cause de l’obscurité, je devine un tapir en ballade nocturne… Avant que l’aube ne pointe, je suis chaussé et poursuis ma progression. A vouloir marcher trop vite, je perds totalement la trace du layon. J’ai beau rebroussé chemin. Rien à faire. Je suis bel et bien perdu dans cet enfer vert. Aucun repère sauf le soleil. A quarante-huit heures de mon décollage pour Paris, je suis bon pour rater mon avion de retour. Je n’irai pas revoir ma Normandie en temps voulu ! Je viens de l’Est et je vais à l’Ouest. Je décide de m’orienter par rapport au soleil et trace une ligne imaginaire perpendiculaire au sud. En la suivant, je dois rencontrer forcément le layon. Après une heure de recherches, je devine de traces d’animaux qui me conduisent au layon principal. Hourra ! Je n’ai perdu ni mon sang-froid, ni ma confiance en moi dont la Bonne Etoile fait partie.